ECLAIRAGE

Jean-Christophe  LEBRUMENT

Consultant et formateur en analyse sensorielle et dégustation de boissons et d’aliments.

C’est un passionné de vin et de biodiversité alimentaire qui a bien voulu nous en dire davantage sur son métier : l’Analyse Sensorielle Descriptive Quantifiée des boissons et des aliments (discipline encadrée par de nombreuses normes NF ISO).
Jean-Christophe Lebrument participe à des études organoleptiques de divers produits et assure des formations intra-entreprises auprès des professionnels des restaurations privées et collectives en tant qu’intervenant associé de l’Université du Vin. Diplômé des Universités du Vin de Suze la Rousse et Provence – Aix Marseille 1, il est consultant et formateur en Analyse Sensorielle Descriptive Quantifiée des vins, des boissons, des aliments et plats aux différentes textures.

Pour en savoir pluswww.jeanchristophelebrument.com

Interview accordée à Nutri-Culture dans le cadre de la Lettre-Outil consacrée au goût (octobre-novembre 2020). Propos recueillis par Alexandra FOUCHER.

NC : Bonjour Jean-Christophe et merci de partager avec Nutri-Culture votre expertise.  Vous êtes consultant et formateur en Analyse Sensorielle et Dégustation de boissons, aliments et plats aux différentes textures.  Votre métier semble tout à fait passionnant. Quel intérêt avons-nous à faire appel à vos services  ?

► JCL : « Avant tout merci Alexandra de votre invitation à parler de ma profession effectivement passionnante. Aujourd’hui, de nombreux professionnels exerçant dans des métiers et secteurs différents se rencontrent régulièrement afin de tester et sélectionner des produits sur divers segments alimentaires. En dehors des laboratoires spécialisés et malgré leurs bonnes volontés, de nombreux membres de panels, plus ou moins formés et entraînés à la dégustation professionnelle, ne sont pas toujours à l’aise lors d’épreuves descriptives, de classement et discriminatives. Les organisateurs de ces séances éprouvent aussi certaines difficultés à concevoir des fiches d’évaluation spécifiques à leurs produits et à bien interpréter les résultats. J’interviens auprès de ceux qui souhaitent être plus efficaces afin qu’ils puissent avec leur groupe, en panel, gagner en efficience professionnelle. L’analyse sensorielle & dégustation des boissons et des aliments est une approche scientifique, rigoureuse, très constructive pour atteindre des objectifs précis. Notre comportement vis-à-vis de la nourriture est toujours une démarche complexe. Nous faisons des choix subjectifs qui dépendent de nos modes de vie, habitudes ethniques, sociales, histoires personnelles… Mettre en œuvre les bonnes pratiques pour organiser des séances de dégustation, des épreuves et tests sensoriels, et interpréter et exploiter des données récoltées, est primordial.  » 

 

NC : Pour un non professionnel en dégustation, échanger ses ressentis en groupe sur le « goût » d’un produit n’est pas chose aisée. 
Quel serait votre premier conseil ?

► JCL : « Déjà, Il est important de se mettre d’accord sur ce que l’on entend par « le goût d’un produit ».  C’est une notion très vague. Dans ma spécialité, l’analyse sensorielle & dégustation, nous parlons plus volontiers de « Flaveur »  d’une boisson ou d’un aliment, dont le goût est une des composantes. La flaveur, c’est un « portrait » plus large, plus détaillé. Elle exprime une vue d’ensemble des profils sensoriels : visuels, auditifs, odorants, olfactifs, des textures (perceptions ressentis au toucher, en bouche…), des équilibres des saveurs, des persistances gustatives et aromatiques. 
Les vins, les eaux de vies, les chocolats, les fromages, les miels, les cafés, les viandes, les produits de salaison, les plats aux différentes textures, pour ne citer qu’eux, doivent se caractériser avec des méthodes spécifiques utilisant des mots adaptés, appelés « descripteurs ». Ils expriment au mieux les ressentis lors des évaluations des divers profils sensoriels. 
Partager en groupe une même méthode et un même vocabulaire est la clef pour être plus à l’aise et efficace dans une dégustation.»

 

NC : Beaucoup disent que « le goût est subjectif » et aborde effectivement souvent les dégustations de façon hédonique, à travers des formules de type « j’aime, je n’aime pas », « ça me plait, ça ne me plait pas », « c’est bien fait, c’est mal fait ». Comment gagner en efficience professionnelle dans les évaluations sensorielles et dégustation des boissons, aliments et plats aux différentes textures ?

JCL : « Effectivement, Il faut bien faire la différence entre une dégustation « hédonique » durant laquelle les jugements de valeur sont focalisés sur les plaisirs et bien-être ressentis ou non et exprimés avec plus ou moins de lyrisme et une séance de dégustation « analytique », appelée dans notre jargon « séance de caractérisation », qui n’a rien de commun. 
La première intéresse d’avantage les rencontres conviviales. Afin de gagner en efficience professionnelle dans la dégustation, un membre de panel doit apprendre à se concentrer sur l’ensemble des sensations perçues par sa langue (épithélium linguale), par son « nez » (épithélium olfactif), ses nerfs (comme son nerf trijumeau pour le chaud, le froid, l’astringent, le piquant…). 
Il doit savoir s’exprimer dans les 3 temps de l’expérience : l’attaque en bouche, le milieu et la fin de bouche. Il doit connaître les méthodes et les vocabulaires spécifiques aux produits liquides ou solides qu’il teste afin de communiquer le plus fidèlement possible ses ressentis sans jugement de valeur. Pour certains aliments, il devra pousser plus loin l’analyse et se concentrer sur son oreille interne. Par exemple, juste avant l’étude de la texture de mastication d’un chocolat en tablette, il choisira parmi les descripteurs usités « croquant », « craquant » ou encore « claquant », celui qui exprimera au mieux son ressenti lors de la cassure de l’échantillon due à l’action de ses incisives. Afin d’affiner son choix de descripteur, il puisera dans sa mémoire sensorielle, qu’il entraine régulièrement et dans laquelle il a « emmagasiné » des expériences similaires. 
Peu importe qu’il trouve la sensation agréable ou désagréable. Cette analyse de satisfaction se fera par la suite sur un autre public lors de tests de consommateurs qui utilisent aussi des méthodes normées. Pour chaque problématique ou question, il y a des méthodes et des tests adaptés. Il faut savoir les choisir. L’important est surtout de bien savoir interpréter les résultats. Certains tests statistiques sont incontournables dans cette discipline. Répéter l’expérience plusieurs fois est aussi important. »
 

 

NC : Vous travaillez auprès de professionnels de la restauration collective. Quelles sont les problématiques qu’ils rencontrent autour de la question du goût et comment les accompagnez-vous ?

JCL : « J’ai une attirance particulière pour la restauration collective car j’y apprends, lors de chaque mission de formation, des choses différentes et enrichissantes. Dans le secteur de la santé par exemple, je forme de nombreux personnels travaillant au sein de directions chargées des fonctions restauration et des affaires économiques et logistiques, des services qualité, R&D (Recherche & Développement), achats, des métiers de bouche, des diététicien(ne)s, des médecins nutritionnistes, des orthophonistes, des agents de maîtrise, des personnels soignants. Beaucoup de ces professionnel(les) sont membres réguliers d’un panel de dégustation au sein de leur établissement. Leurs problématiques sont assez similaires. Ils ont, pour la grande majorité, compris qu’ils étaient uniques car riches de leurs cultures, de leurs expériences autodidactes de la dégustation, que chacun réagissait avec ses seuils personnels de sensibilité aux saveurs, que leurs mémoires sensorielles aromatiques, plus ou moins riches, étaient différentes. Ils souhaitent mieux travailler ensemble lors des caractérisations et des sélections de produits. Pour cela, j’ai créé différents modules de formation dont un, d’initiation sur 3 ou 4 jours consécutifs en intra-entreprise qui a pas mal de succès. 
Mes stagiaires apprennent à analyser une grande variété de boissons et d’aliments afin d’avoir de solides bases de références. Nous travaillons sur différentes évaluations organoleptiques d’aliments, de boissons et plats aux différentes textures. Concernant les textures, par exemple, nous explorons les textures de contact (contact avec les lèvres, le bout de la langue), de déformation en bouche, de mastication, d’avalement et résiduelle. Nous utilisons de nombreux descripteurs pour les caractériser. Il en est de même pour tous les profils sensoriels de la flaveur d’un produit. 
Mon objectif est d’apporter sur une courte durée de travaux pratiques, les principales clés et bons réflexes, afin de progresser. » 

 

NC : D’après votre actualité, vous organisez et animez de nombreux ateliers du goût conçus pour un large public. Pourriez- vous nous en dire quelques mots ?

 JCL : « Bien volontiers ! Vous l’aurez compris, je suis un passionné et j’aime partager les choses qui font du bien. J’anime depuis 15 ans des ateliers du goût, plus particulièrement des ateliers d’analyses sensorielles & dégustations multithématiques (vins, fromages, chocolats, eaux de vie, huiles d’olives, miels…) spécialement conçus pour un large public. J’invite les convives à plonger, sans complexe, dans l’univers de la dégustation avec méthodes et vocabulaire adaptés. Ils apprennent à partager leurs ressentis avec empathie, à écouter les propositions de chacun avec attention et à échanger dans la convivialité. La dégustation est une discipline de l’esprit permettant de vivre des moments plaisants de communication, voir émouvants avec des produits d’exception, dans le respect de chacun. »